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« ANÉANTI PAR L'ESB, LE TROUPEAU A RETROUVÉ SON RANG »

Depuis plusieurs années, l'élevage est de retour dans les ventes aux enchères. Récemment, Guillaume Sanial présentait deux génisses à Eurogénétique, à Épinal.© CLAUDIUS THIRIET

L'élevage Sanial est parvenu à surmonter le choc de l'ESB et à se hisser à nouveau parmi les meilleurs de la race prim'holstein.

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AU GAEC DE LA POMMIÈRE, L'ESB A FRAPPÉ EN DÉCEMBRE 2000… un choc pour ce troupeau performant qui réalisait quarante collectes d'embryons chaque année. « Notre élevage a été l'un des premiers touchés par cette maladie, se souvient Sylvie Sanial. Nous avons été montrés du doigt et harcelés par les médias. Nous avons essayé de protéger nos quatre enfants. » Après avoir cherché à connaître l'origine de la maladie(1), Pierre Sanial s'est tout de suite investi dans la reconstruction de son troupeau : « Une fois que l'exploitation est en arrêté préfectoral, il n'y a plus rien à faire. L'abattage est inévitable. Il faut l'accepter. L'important est de concentrer ses forces et son énergie sur le redémarrage d'un nouveau troupeau. »

La question de la compensation financière est alors posée. « Avec un troupeau et une génétique à reconstruire de zéro, explique l'éleveur, nous savions que le manque à gagner serait très important et que les années à venir seraient financièrement très difficiles. » Or, à l'époque, les barèmes d'indemnisation n'étaient pas adaptés à l'activité des élevages de sélection comme celui du Gaec de la Pommière qui pratiquait, depuis le début des années quatre-vingt, la transplantation embryonnaire. Pour faire prendre en compte les lourds surcoûts liés à l'embryonnage, Pierre s'est démené. « Outre la présentation des factures antérieures et des chiffres comptables des exercices précédents, j'ai fait témoigner devant une commission nationale, des centres d'insémination artificielle de différentes régions de la France ainsi qu'un expert de l'Institut de l'élevage. » Ce travail a servi par la suite à d'autres éleveurs.

« 300 000 € DE PRÊTS POUR RACHETER DES ANIMAUX »

L'exploitation alors en Gaec – Pierre était associé à son frère Jean et à sa mère – a contracté un prêt de 300 000 € pour racheter des animaux avec un report d'échéances de huit ans(2) « L'emprunt nous a évité d'être écrasés d'emblée sous les charges avant même de redémarrer. Il nous a donné les moyens d'investir dans six à sept souches, et de repartir dans la transplantation embryonnaire. » En effet, l'élevage a repris la stratégie qui avait fait ses preuves au milieu des années quatre-vingt : poser des embryons sur des vaches porteuses. À l'époque, l'objectif était d'augmenter le nombre de bêtes pour atteindre rapidement un quota de 600 000 l. Cette fois, il s'agissait de reconstruire l'élevage. Plus de cent embryons ont été posés au cours des trois années suivantes, amenant sept à huit souches qui ont connu des fortunes diverses. Dans les années 2009-2012, la Sam a permis d'affiner les lignées de l'élevage. « Nous avons remis beaucoup de morphologie dans le troupeau et diversifié les taureaux. Chaque collecte a désormais le sien. Chaque année, une nouvelle souche est achetée. »

Huit années ont été nécessaires pour hisser à nouveau le troupeau parmi les meilleurs de la race et retrouver un équilibre économique.

« HUIT ANS POUR ÊTRE À NOUVEAU AU TOP »

Pendant six ans, l'absence de la marge génétique a fait défaut et le chiffre d'affaires a chuté. Sanitairement, la gestion de l'élevage après l'ESB a été compliquée. « Nous avons été confrontés à des problèmes d'immunité et à des pertes sévères sur les animaux. La moitié des 200 bêtes achetées pour redémarrer le troupeau est restée moins de deux ans. » De plus, l'exploitation a dû gérer la sortie du Gaec du frère de Pierre en 2004(3) et la perte de 70 ha de terres cultivables. Les recettes de l'exploitation sont aujourd'hui constituées de la vente du lait, des embryons (variables selon les années : cinquante en 2011, mais aucun il y a trois ans), des génisses aux enchères et des mâles en centre. La commercialisation des vaches en lait constitue également une source de revenu supplémentaire. Depuis trois ou quatre ans, en effet, la demande ne fait qu'augmenter. Une façon aussi pour les acheteurs d'accéder un peu à la génétique de l'élevage Sanial. Alors que 150 vaches vêlent chaque année, l'élevage ne garde que 72 laitières, ce qui correspond à la capacité du bâtiment. Une trentaine de receveuses sont achetées chaque année. 50 000 € sont investis par an dans la transplantation embryonnaire. C'est le prix à payer pour trouver de nouvelles lignées, vendre des mâles, améliorer constamment le troupeau selon des objectifs de sélection également partagés par les éleveurs acheteurs : morphologie, quantité de matières importante, vaches fertiles sans leucocytes, bonnes mamelles et pattes solides. « Un Isu à 162-165 ne suffi t plus, il faut viser 180-185 points, avec du propre partout (fertilité, cellules…). »

Au Show Open de Saint-Étienne, en octobre dernier, une génisse de l'élevage, Helena Pom, une Artes/ManO-Man/Baxter Daisy (mère de Firmin Pom), a été achetée à 8 000 €, réalisant le meilleur prix de la septième top vente aux enchères Précieuses. Dans toutes ses épreuves, la complicité du couple et le caractère bien trempé de Pierre ont été déterminants. « Même en période basse, commente Sylvie, Pierre continue à croire et à avancer. » « Quand il y a un problème, explique ce dernier, je ne le garde pas pour moi. J'en parle vite. Je mets les bouchées doubles : je me lève plus tôt et je travaille plus tard. Habituellement, j'essaie aussi d'anticiper les difficultés. Mais cela n'a pas été facile avec l'ESB. »

« MA FAMILLE ET MES AMIS ONT ÉTÉ DÉTERMINANTS »

Ce qui l'a aidé à supporter le choc, c'est « Sylvie, les enfants et certains partenaires très proches de l'exploitation ». La fougue de Pierre, toujours intacte, a fait le reste. « Notre objectif est de figurer parmi les meilleurs Isu de la race l'an prochain, et de sortir un crack sans corne, ce qui constituerait une avancée très attendue par les éleveurs. » « La génétique, pour Pierre, c'est plus qu'une passion », note Sylvie. Alors que Guillaume, le fils du couple, souhaite s'installer, l'objectif de l'exploitation est de retrouver de la surface supplémentaire pour conforter l'alimentation du troupeau. Il est aussi prévu de faire évoluer le bâtiment en changeant les logettes et en substituant, d'ici deux à trois ans, un robot à la salle de traite encore fonctionnelle (un épi 2 x 8 avec décrochage automatique). Dans l'ancienne étable entravée, transformée en stabulation à logettes en 1984, les animaux sont en effet travaillés à la dure. La ration complète mélangée est distribuée une fois par jour. « Ici, il n'y a pas de traitement de faveur, souligne Pierre. Les bêtes sont travaillées de la même façon. » Ces conditions rudes n'ont pas empêché l'élevage de sortir un crack par décennie : Enehould en 1989 (souche Ben Arlinda), Vaucluse en 2005 (souche Naurine) et Firmin Pom (souche Naurine) il y a un an. La mère de ce dernier, Daisy Pom, une fille de Baxter, vient de produire plusieurs mâles pour l'étranger (Canada, Espagne, Allemagne et Angleterre).

(1) Une receveuse achetée en Saône-et-Loire et vendue neuf mois plus tard dans l'Ain. (2) Cet emprunt a été finalement remboursé intégralement par Pierre et Sylvie en 2009, seuls en Gaec depuis 2004. (3) En 2003, Sylvie était entrée dans le Gaec à la suite du départ à la retraite de la mère de Pierre.

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